16 mars 2010

Richard

À une époque, j'étudiais en arts plastiques au Cégep du Vieux Montréal. C'était avant de me rendre compte que d'étudier en arts ne mène pas très loin si vous n'êtes pas prêt à vous développer une démarche à vous et à sortir de vos petites limites pépères de fille qui ne veut surtout pas désobéir.

Un certain Richard - Richard Quelque chose, si je ne m'abuse - nous enseignait les techniques de dessin d'observation. Nous devions faire notre autoportrait à la mine, assis face à un miroir avec la feuille scotchée à la table. J'avais du mal à sortir du cadre, en général, mais pour retranscrire une image fidèlement,j'étais très douée. Et à mesure que mon dessin progressait, je me trouvais franchement fort potable, genre excellente. Bravo Marie, vraiment. Jusqu'à ce que j'aie terminé et que je décolle la feuille de la table...

Shit.

Le fait de dessiner à plat au lieu de mettre le papier en angle, relevé vers moi, me donnait des traits manifestement trop allongés. J'avais la même face, mais méga-longue!!
Bien sûr, mon cours commençait dans 16 secondes - pourquoi s'y prendre à l'avance quand la procrastination est une source de stress si stimulante - donc impensable de recommencer. En plus, dans ces cours-là il fallait afficher notre petit chef-d'œuvre devant la classe, pour discussion et séance de commentaires.
Alors sur le babillard, il y a eu face de Jean-Philippe, face d'Annabelle, face de Caroline et fâââce de Mââârie. La honte corrodait ma petite fierté de fille qui dessine bien d'habitude.

En remettant mon dessin (du bout du bout des doigts) à M. Richard Chose, le regard fuyant (ouais parce que je prenais ça très au sérieux, vous l'aurez remarqué... Moi, à 17 ans, j'avais plein de recul face à mes "problèmes"...), je me souviens avoir tenté une excuse à demi-voix. Une excuse pour un dessin un peu raté, certes, mais sur lequel j'avais travaillé des heures et donné mon maximum. Pour quoi faire, s'excuser?! Ben justement, M. Chose m'avait répondu "arrête, aie donc un peu d'orgueil face à ton talent, Marie!". Et peut-être aussi un petit paragraphe sur le fait qu'il y avait assez des autres pour critiquer, sans que je m'y mette moi même en plus. Ou je l'ai peut-être cousu à mon souvenir, après coup, je sais plus.

Ce serait un mensonge éhonté de prétendre qu'à partir de ce jour, j'ai cessé de me dénigrer. Quand même pas. Mais l'idée a fait son chemin et ce professeur-là ne sait probablement pas comme son commentaire m'a fait du bien (ni qui je suis). J'ai oublié plusieurs enseignants - du Vieux Montréal et d'ailleurs -, j'ai oublié la plupart de mes improbables sculptures de glaise recyclée et de plâtre humide, j'ai aussi oublié - mais ça me revient - les infâmes muffins aux fausses framboises de la cafétéria, mais je me souviens de sa bienveillance et de cette très courte leçon d'orgueil.

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