26 avril 2010

La revanche des geeks


Je songe parfois à tous les gars qui m'ont fait flancher du genou au secondaire. À l’instar de milliers de filles, je n’avais d’yeux que pour les grands pouels à queue de cheval qui tâtaient de la guitare ou du tam tam, entre deux poèmes. L’irrésistible charisme du musicien. Quoique, à bien y penser, mon sentiment de l'époque s'apparentait davantage à une sorte de fascination admirative qu'à une réelle attirance. L’idée du pouèl était peut-être meilleure que le pouèl lui-même. À la limite, je ne sais pas trop ce que j'aurais pu partager avec certains de ces gars-là. Mais pour moi, à 14 ans, n'avoir aucun point commun avec un prospect n'était pas un argument valable pour lâcher l'affaire. Quelle nécessité d'avoir des sujets de conversation avec l’élu? J'ai qu'à l'écouter gratter sa petite guitare sèche tout l'après-midi, c'est amplement suffisant.


Enfin. Tout ça pour dire que pendant que le gros des filles s'agglutinaient, enfiévrées, autour des quatre ou cinq mêmes gars couette/je chante/je post-littérature, des dizaines de petits geeks séchaient dans un coin, à la limite de l'anonymat. Bon, ici on pourrait argumenter longuement sur la définition du geek et ce qui le distingue d’autres sous-groupes du même type, mais on n’entrera pas dans ce genre de débat de terminologie sans intérêt. Je me réfère au geek au sens large : celui qui, plus jeune, se passionnait pour l’informatique et/ou la science-fiction et/ou les jeux de rôle et qui, accessoirement, était fort à l’école. Le genre apprécié du groupe, mais pas non plus un papillon social. Souvent extra-gentil mais pas suffisamment rebelle ou romantique pour faire craquer les filles. Et surtout, pas encore en pleine possession de sa séduction.


À l'adolescence, malheureusement, c'est pas forcément que les bons gars qui sont choisis en premier. C’est un peu cliché, mais ça s’avère vérifiable. Même à mon âge, remarquez. Les bad boys ont la cote, c’est un classique qui ne meurt pas. Je peux m'imaginer pourquoi, à la limite : l'attrait du désir de posséder l'autre sans cesse renouvelé dans sa nature inassouvie. On pense je vais le changer, on pense cœur de rocker, on pense Julien Clerc, on pense j'ai jamais su dire je t'aime oui mais bébé je t'aimais quand même. Fort bien, mon ami, mais s'il faut t'arracher le moindre mot d'amour de la bouche, on n'est pas faits pour vieillir ensemble.


Enfin, je reviens à mes geeks. C'est pas pour dire que les pouèls à couette n’étaient pas de bons partis. Pareil pour certains petits bad boys, à la limite. Non, c'est surtout qu'il n'y en avait que pour eux. Cela dit, les geeks se rattrapent souvent plutôt bien à l’âge adulte. Personnellement, j'ai découvert sur le tard tout ce qu'ils peuvent apporter de stimulation, d'humour et de sens pratique dans une relation. Ce qui, à la longue, est aussi sexy et irrésistible qu'une toune composée exprès pour toi par un tombeur de premier choix, une rose à la gueule. Les derniers, mine de rien, seront les premiers. (Une fois de temps en temps… )

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